Chapitre 23 :

 

Le temps des explications

– L’Anghor que tu connais n’a rien à voir avec moi. Du moins pas depuis ta naissance. Celui qui se trouvait aux côtés de ton père ces dix-huit dernières années n’était qu’un imposteur ayant revêtu mon apparence pour se rapprocher du roi. Il est vrai que pendant des années j’ai prodigué des conseils à tes ancêtres qui régnaient sur le royaume des Hommes. Mais j’ai finalement abandonné cette place lorsque tu es apparue car le roi et moi étions en désaccord. Je voulais t’emmener avec moi sur l’Hybris, alors que lui voyait en toi l’enfant qu’il venait de perdre. Car la femme qu’il aimait, une simple (excuse-moi ce terme) servante, et qui était censée mettre au monde son enfant, était morte en accouchant. Et, pire que tout, le nouveau-né n’avait pas survécu. Il avait tout perdu, c’était un homme torturé. Aussi, lorsque tu as été découverte, Hisran Zanakioriah a vu en toi la fille qu’il aurait du avoir. Je n’ai pas eu le courage de m’opposer à cet homme brisé qui retrouvait enfin le sourire et me suis retiré sur l’Hybris. Mon rôle était de t’attendre, je pouvais encore patienter quelques années que tu grandisses à ses côtés. J’avais conseillé Hisran pendant des années sur les stratégies à adopter, notamment concernant Aostaris et son plan de mettre la main sur les enfants en premier. Aussi, lorsque l’imposteur s’est présenté au château sous mon apparence, Hisran ne s’est pas posé plus de questions et a accepté mon « retour » sans se rendre compte de la supercherie. Cette personne qui l’a trompé, tu l’as déjà rencontrée. Elle se nomme Motoko et est, tout comme moi, une gardienne chargée de retrouver et de guider les enfants. Cependant elle ne jouissait pas de ma notoriété au sein du royaume des Hommes et c’est pour cela qu’elle a revêtu mon apparance pendant des années. Elle avait d’ailleurs déjà Telhia en sa possession lorsqu’elle est arrivée au château, faisant croire au roi qu’elle était sa fille. Mais Motoko et moi ne nourrissons pas les mêmes ambitions vous concernant. J’y reviendrai. Tu as grandi sous la surveillance de Motoko et je ne pouvais rien faire sans risquer de vous mettre en danger toi, ta sœur et mon vieil ami le roi. En définitive Motoko ne s’intéressait pas vraiment à Telhia, mais plutôt à toi qui étais censée renfermer un pouvoir plus à même de servir ses intentions. Alors elle a mis en scène sa « trahison » et la mort de ton père, tout cela dans le but d’éveiller le pouvoir qui est en toi. Elle savait que ça pourrait prendre du temps, sans doute t’a-t-elle surveillée de loin. Mais elle n’avait pas prévu que tu finirais entre les griffes d’Aostaris. Sache qu’Aostaris, Motoko et moi sommes en quelque sorte liés et nous nourrissons tous trois des ambitions différentes te concernant. Motoko veut ton pouvoir, Aostaris désire les deux enfants pour réaliser une sorte de prophétie, quant à moi… eh bien je souhaite que tu nous aides dans notre monde originel à vaincre ceux qui veulent se servir des enfants pour leurs ambitions personnelles. Sans doute y a-t-il là un paradoxe, mais la vie est ainsi faite. Nous avons tous un plan pour toi et ta sœur, mais je ne connais pas les détails de chacun d’entre eux. Nul doute que celui d’Aostaris est tortueux et qu’il finira par tirer son épingle du jeu à un moment. C’est un Etrah aussi sournois qu’intelligent. Motoko quant à elle est très claire. Elle voulait t’éveiller et a tout fait dans ce sens. Elle est même allée jusqu’à apparaître devant toi pour raviver une vielle blessure au fond de ton âme. Mais ça n’a pas marché pour toi apparemment… Telhia quant à elle a attiré son attention et c’est pour cela qu’elle l’a enlevée. Car Motoko détient en ce moment ta sœur et ce n’est pas contre sa volonté. Telhia s’est éveillée et son pouvoir semble servir Motoko pour le moment. Mais nous y reviendrons également à un autre moment si tu le veux bien ? Ce que je voulais te révéler, la vraie raison pour laquelle tu es là, c’est l’histoire de ton origine, n’est-ce pas ? Je ne saurais te raconter ton histoire sans commencer par t’expliquer d’où viennent les Séraphins. Il existe une planète nommée la Terre. Elle existe bien loin d’ici et en même temps tout près. Car Gaëa et la Terre sont intimement liées. Mais sache que les premiers Séraphins sont tous issus de cette autre planète. Et ton histoire, eh bien elle prend ses racines sur cette planète. Aussi vais-je te narrer très brièvement son histoire. L’histoire de la Terre commence il y a très longtemps par de nombreuses guerres. Les hommes qui la peuplaient avaient l’habitude de se tuer les uns les autres, mais aucun n’avait de pouvoirs magiques. Ils utilisaient leur technologie pour se combattre. Et plus le temps passait, plus leur armement devenait effrayant. Il y eut une première guerre mondiale qui fit de nombreuses victimes. Peu de temps après, la « seconde guerre mondiale » éclata, encore plus cruelle et plus meurtrière. Une arme terrible fut alors inventée, une bombe capable d’anéantir une ville entière en quelques secondes. Ils l’utilisèrent pour mettre fin aux batailles et pendant un temps la paix régna. Mais des tensions revinrent bientôt, annonçant une nouvelle catastrophe. C’est à ce moment qu’un homme naquit. Un homme très spécial, puisqu’il était le magicien originel. Le premier d’entre tous. Il grandit cependant dans un pays qui, sentant une nouvelle guerre arriver, avait fermé ses frontières et refusait tout dialogue avec le monde extérieur. Ce pays s’appelait le Japon. Cependant, certains pays voyant d’un mauvais œil ce comportement et les tensions allant croissantes, le Japon fut annexé par une superpuissance. C’est à ce moment là que le magicien originel se présenta au monde sous le nom qu’on lui attribue encore aujourd’hui : Kyô. Il jura de protéger son pays, mais aussi d’empêcher la guerre et de sauver un maximum d’innocents. C’était un garçon au cœur pur et ses intentions étaient d’une noblesse que nous ne pouvons même pas imaginer. Beaucoup rapportèrent alors les « miracles » que Kyô arrivait à faire. Ce garçon était capable d’esquiver les balles, de sauter plus haut que n’importe qui et de projeter des flashes de lumière qui mettaient hors d’état de nuire les plus puissantes armes qui existaient. Il réussit à sauver des centaines d’innocents et œuvra corps et âme pour la paix. Et puis, la folie d’un homme faillit annihiler la Terre. Un dirigeant, effrayé par les pouvoirs du premier magicien, réunit plusieurs centaines de bombes atomiques, celles capables de détruire une ville, et projeta de les faire exploser toutes ensemble. Il se savait perdu et voulait entraîner le monde avec lui. Alors, Kyô se sacrifia. Au dernier moment, alors que les explosions s’amorçaient, il libéra tout son pouvoir et ainsi protégea la planète. Sauf que si un magicien utilise tout son pouvoir jusqu’à la dernière particule, il meurt. Et c’est ce qui arriva. Kyô mourut en protégeant les humains de la Terre. Tous se sentirent alors coupables, pleurant la mort d’un être si exceptionnel. Mais déjà, dans le sillon que son histoire avait tracé, apparaissaient des Hommes eux aussi capables de « miracles ». Les premiers magiciens étaient là. Et ils comptaient bien perpétuer l’œuvre de leur aîné en mettant leur pouvoir au service de la paix. Mais leur pouvoir était bien moins puissant et leur nombre très limité. Inévitablement, de nouvelles tensions apparurent et la guerre menaça à nouveau la Terre. Alors Kyô réapparut. Il s’était réincarné sans que personne ne comprenne vraiment comment et à nouveau il utilisa ses incroyables pouvoirs, encore plus développés, pour sauver le monde. Et cette fois-çi encore il se sacrifia pour sauver la Terre. Il eut ainsi de nombreuses réincarnations et à chaque fois il voyait les humains se faire la guerre. Et à mesure qu’il enchaînait les vies, il avait l’impression que ses actes ne servaient à rien. Les Hommes répétaient encore et encore les mêmes erreurs. Et quand bien même le nombre de magiciens augmentait, ce n’était pas suffisant pour arrêter la folie de ceux qui n’avaient pas de pouvoirs. Le temps passa, les vies de Kyô se succédèrent et son cœur se mit à pourrir. Il commença à maudire ces Hommes qui ne savaient que faire la guerre. Leur égoïsme le rebutait au plus au point. Dégoutté par tout cela, Kyô jura finalement de ne plus se mêler des affaires des Hommes et se retira dans son pays d’origine : le Japon. Là il scella ses pouvoirs et vécut comme une ombre. Le temps passa, et même s’il finissait par mourir et se réincarner, il n’empêchait plus les guerres ou les actes de violence. Il se soûlait pour oublier, vivant en reclus. Les années passèrent, et finalement, une femme vint bouleverser sa vie. Kyô en tomba éperdument amoureux. Il avait déjà connu au cours de ses nombreuses vies l’amour, mais jamais aussi intensément que celui-ci. La force de ses sentiments était au delà de tout ce qu’il avait ressenti. Et par un heureux hasard, cette femme partageait ses sentiments. Elle était d’une douceur extraordinaire, capable de guérir le cœur meurtri de Kyô. Ils vécurent un moment ensemble, profitant d’un bonheur incomparable. Mais une tragédie arriva. Un soir, au détour d’une rue, un homme armé les menaça. Il n’y avait paraît-il pas de raison, l’homme ne réclama même pas d’argent ou quoi que ce soit. Ce jour là, Kyô, dont les pouvoirs étaient toujours scellés, assista impuissant à la mort de sa bien-aimée. Il ne put le supporter. C’était trop dur pour lui. Fou de rage et de tristesse, le sceau se brisa et ses pouvoirs se déchaînèrent sans qu’il ne puisse les contrôler. C’est ainsi que le Japon disparut. Tout entier englouti par la force de Kyô. Seule une petite parcelle subsista et c’est ici que Kyô déposa la dépouille de sa bien-aimée, usant de ses pouvoirs pour que jamais son corps ne prenne les couleurs de la mort. Sa belle resterait ainsi, comme endormie dans un profond sommeil, pour toujours, dans un lieu qu’il protégea de toute intrusion. Et c’est là que Kyô trouva le moyen de mettre fin à ses réincarnations. Il parvint à détruire son aura et mourut aussitôt. Jamais plus il ne réapparut. Kyô était définitivement mort, mais les magiciens eux étaient toujours là. Une fois de plus touchés par son histoire qui était d’ores et déjà une légende, ils se rassemblèrent et créèrent une école pour former les magiciens et ainsi protéger le monde à la place de Kyô. Le directeur de cette école prédit alors l’arrivée de la descendance de Kyô. Des enfants sans parents portant une partie de son pouvoir en eux. Au nombre de deux, ils se partageraient son incommensurable puissance. Ce directeur était le premier de tous les gardiens. Bien plus tard, il chargea quelques rares élus — dont Motoko et moi — de retrouver ces enfants et de les amener dans son école, sous sa protection. Car leur pouvoir était trop grand pour être laissé sans surveillance. Je suis parti pour Gaëa le jour où nous avons découvert que le pouvoir de Kyô avait été tel, qu’il s’était glissé entre l’espace et le temps et que ses enfants avaient été dispersés dans des univers parallèles, là où la Terre n’était pas la Terre. Là où elle pouvait être peuplée de diverses races et où les paysages n’étaient pas les mêmes. Tu saisis ? Ce n’est pas si difficile que cela à imaginer après tout. Une puissance sans commune mesure qui implose crée forcément des distorsions quantiques. Enfin là j’aborde des théories avec lesquelles tu n’es pas encore à l’aise. Mais crois moi, à la place de Gaëa, dans un autre espace temps, il y a la Terre. Et c’est de là que nous sommes arrivés pour retrouver les enfants. C’était il y a mille ans à peu près, comme le disent les pages du livre du renouveau. Quand je suis parti avec l’Hybris, une école similaire à celle existant sur Terre, le directeur de l’école de magiciens de la Terre avait déjà près de lui l’un des enfants de Kyô. Mais le deuxième se cachait toujours. Car les enfants sont toujours au nombre de deux dans chaque espace-temps. L’un portant une aura blanche, l’autre une aura noire. Tu comprendras sans doute si je te dis que Kyô possédait une aura noire et blanche ? Enfin, c’est peut-être anecdotique ce que je te raconte là. J’en étais au moment où nous sommes arrivés. Gaëa était effectivement en guerre, mais il n’a jamais été question de ténèbres. Les peuples se haïssaient et faisaient tout pour s’annihiler l’un l’autre. Nous avons commencé nos recherches dans le secret, mais bien vite nous avons décidé d’intervenir. C’était plus fort que nous. Après tout, tous les magiciens sont soucieux de préserver la paix. Nous avons donc œuvré dans ce sens et c’est ainsi que les peuples de Gaëa ont commencé à voir en nous des sortes de dieux. Ils nous vénéraient et nombre d’entre nous trouvait cela malsain. C’est pour cette raison que nous avons initié les peuples à la magie. Pour leur montrer que nous étions semblables. Mais ce fut une erreur. Très vite ils découvrirent comment emprisonner les esprits élémentaires et chaque peuple en garda jalousement un comme trophée. C’est vrai que je ne t’ai pas encore parlé des esprits élémentaires. Ils existent aussi sur Terre. Eau, feu, terre, vent et d’autres encore… Ils ont en fait toujours existé. La maîtrise de l’aura a simplement permis de révéler leur présence aux magiciens. Et comme je te le disais chaque peuple de Gaëa en emprisonna un, désireux d’en faire des armes au cas où leurs voisins les attaqueraient à nouveau. Seuls les Hommes se refusèrent à cette pratique. Ils collaborèrent même avec nous, désireux de trouver les enfants pour nous remercier d’avoir apaisé les batailles. Il y eut aussi Aostaris, tout jeune, qui nous fut d’une grande aide. À tel point d’ailleurs qu’on tomba d’accord pour faire de lui un gardien. Une grossière erreur au final, mais nous n’en savions alors rien. Et les années passèrent et les enfants ne se montraient pas. Bientôt les cinq races recommencèrent à envier leur voisin ou à en avoir peur et les Hommes, privés d’esprit élémentaire augmentant leur magie, eurent peur de voir leur royaume disparaître. C’est à ce moment que le livre du renouveau fut rédigé. Un habile stratagème sur le long terme. Il laissait sous entendre que les Hommes possédaient l’esprit des ténèbres mais aussi qu’ils avaient la protection des Séraphins. Plus que tout, il narrait comment, soudées par un ennemi commun, les cinq races avaient triomphé du plus puissant des ennemis. Ainsi les autres peuples restaient distants, craignant des représailles. Nous laissâmes également entendre que chaque roi connaissait un secret qu’ils étaient les seuls à connaître et cela créa une connivence entre eux qu’ils ne purent nier. Malheureusement c’est aussi à cette époque que Motoko commença à afficher des motivations différentes de celles qui devaient nous animer. Après une violente discussion avec moi, elle quitta l’Hybris en emportant avec elle l’Auria, la pierre d’aura censée nous permettre de regagner la terre une fois les enfants trouvés. Elle est la seule à savoir où se trouve cette pierre et tant que ce sera ainsi, nous ne pourrons pas rallier notre monde. Heureusement, il lui faudra monter à bord de l’Hybris si elle veut un jour l’utiliser. Car sans cette école, la pierre ne sert à rien. Et je crains que ce moment soit assez proche maintenant qu’elle a lancé son dévolu sur Telhia. Peut-être espère-t-elle encore que tu t’éveilles ? Je ne suis sûr de rien. Quant au reste de l’histoire, je te l’ai raconté. Pourtant, il y a encore beaucoup à dire. Car il faut savoir que Motoko n’est pas seule contrairement à ce que tu pourrais penser. Elle a rejoint une organisation nommée Keepsake. Cette organisation est aussi présente sur terre. Nous ne savons pas grand chose sur elle, nous ne savons même pas comment elle a pu germer sur Gaëa. Toujours étant que Keepsake collabore avec Motoko pour le moment et c’est cette organisation que nous combattons principalement. Des bâtiments de recherche sont disséminés partout sur Gaëa, sans parler des souterrains qui leur appartiennent. Leur principale activité est la manipulation de l’aura. J’ai d’ailleurs déjà assisté à d’horribles expériences menées par de vrais fous. Tu ne me croirais pas si je te racontais… Pour l’instant je pense que tu as assez de réponses pour te faire ta propre opinion sur tout cela. Il y a encore des choses à dire et des précisions à apporter, mais tu as désormais assez de cartes en main pour comprendre qui tu es et ce qu’il se passe sur ta planète pour l’instant. J’aimerais vraiment que tu intègres l’Hybris en tant que soldat et que très vite tu œuvres à nos cotés pour récupérer Telhia, mettre Keepsake hors d’état de nuire, retrouver l’Auria nous permettant de retourner sur Terre et, si tu le veux, nous suivre là-bas. Tu auras des détails avec le temps, tu apprendras des choses par toi-même également. Mais avant tout je veux t’entendre me parler. Je veux savoir ce que tu penses. Et alors si tout se passe bien la journée ne fait que commencer. Je vais donc te rendre la liberté de tes mouvements, et si tu choisis de poursuivre ton geste, ton épée finira sa course dans mon cœur et je mourrai. Je m’en remets entièrement à toi et ton jugement. Ce sera la seule preuve que je pourrai te donner de ma bonne foi.

L’étrange pression qui avait jusque là paralysé Ash se leva brutalement. Yamitsurugi disparut dans un sifflement et la princesse se mit à fixer ses mains comme si c’était la première fois qu’elle les voyait. Elle avait l’impression d’être une personne différente, de voir à travers des yeux qui n’étaient pas les siens, ou plutôt, d’avoir un nouveau regard sur les choses. Les informations qu’Anghor lui avait fournies étaient trop conséquentes pour qu’elle ait déjà tout assimilé sans se poser plus de questions, mais elle avait compris assez de choses pour saisir le fond de tout ça. Comprendre en partie ce qu’elle était et que cela influencerait forcément Gaëa, mais pas seulement. Son existence avait un poids en dehors de ce qu’elle connaissait. Quelque part, dans un monde totalement inconnu pour elle, des gens connaissaient son histoire et l’attendaient. Enfin c’est ce qu’elle avait compris. Mais avant cela elle devait faire encore beaucoup de choses. Comme libérer Gaëa de toute l’agitation que les Séraphins avaient amené avec eux. Cette résolution s’imposa à elle comme une évidence après ce qu’on venait de lui dire. C’était ça sa vérité. Après tout seul le nom de son ennemi semblait avoir changé. Ce n’était plus Anghor, c’était Motoko. Et cette personne manipulait peut-être sa sœur. Voilà ce sur quoi elle devait se concentrer pour l’instant. D’abord atteindre ce but, puis elle aviserait. Elle avait encore le temps d’y penser.

– Je vous crois.

Anghor parut d’abord très surpris de cette réponse. Lui qui avait autant parlé se retrouvait sans voix. Mais très vite son visage arbora un sourire rassurant.

Le plus étrange, c’était qu’avec ses nouveaux yeux, Ash voyait cet homme d’une nouvelle façon. Il ne lui semblait plus incarner le mal, au contraire. Ses longs cheveux noirs aux reflets bleus attachés derrière sa tête laissaient apparaître un visage à peine marqué par les rides sur lequel elle lisait de la douceur. Ses yeux étaient d’un bleu azur, presque de la même intensité que l’œil droit de la princesse. Une barbe grisonnante de plusieurs jours lui donnait même un aspect sympathique.

– Mais ne dois-je pas encore absorber les esprits de la terre et du feu ? demanda-t-elle.

– Jusque maintenant tu as utilisé leur magie comme barrière. Car en effet, ton pouvoir est comme mu par une volonté. Il te torture et fait tout ce qu’il peut pour que tu fasses appel à lui. Et plus tu développes ta puissance, moins ces barrières sont utiles. Et d’après ce que Kensuke m’a dit de ton combat contre l’Immortel, il ne doit pas en rester grand chose. Tu dois apprendre à maîtriser ce pouvoir, mais en attendant je te donnerai un peu de répit le temps que tu apprennes à connaître ta force.

Il s’avança vers elle, lui saisit le bras gauche et murmura quelque chose à voix basse. L’instant d’après trois cercles noirs entouraient le poignet de la princesse, entrecoupés d’un symbole « I » pour le premier, « II » pour le deuxième et « III » pour le dernier.

– Cependant il serait judicieux de tous les récupérer. D’une part pour empêcher que ce soit Telhia qui les récupère, mieux vaut être prudent. Et d’autre part, ces esprits sont faits pour vivre libre. Une fois nos affaires réglées sur Gaëa, il serait bon de les libérer. Ils appartiennent à ce monde et participent à son fonctionnement. Si tu les retiens en toi trop longtemps, l’air finira par stagner, les volcans par s’éveiller, l’eau des mers et océans par croupir et la terre par s’effriter. Et ce n’est pas ce que tu veux, n’est-ce pas ?

– Pas du tout, confirma Ash. Mais…

– J’imagine que tu as encore beaucoup de choses à me demander, mais crois-moi, tu as déjà beaucoup de réponses. Laisse toi un peu de temps pour les assimiler. Et en attendant, si tu le veux bien, entre dans une classe de prépa-Slayer. Tu y apprendras déjà beaucoup de choses.

La princesse prit le temps de penser une nouvelle fois à tout ce qu’elle venait d’apprendre. Deux options s’offraient à elle : accepter et combattre aux cotés des Séraphins ou décliner et continuer son voyage avec Laruku et Kaïh en ignorant tout ce qu’elle venait d’apprendre. Elle ne put se résoudre à cette deuxième solution.

– C’est d’accord. Mais juste une chose.

– Quoi donc ?

Ash sortit de l’une de ses poches la pierre transparente.

– Je voulais vous la rendre. Elle est à vous.

L’homme sembla amusé, affichant un sourire du coin des lèvres.

– La tradition veut que celui qui l’a vaincu obtient son respect et son soutien. Et crois moi, cette tête de mule est si butée qu’elle ne m’obéira plus même si je la réveillais. Elle est à toi à présent.

– « Elle » ?

– En théorie les Immortels n’ont pas de genre, donc « il », « elle », à toi de voir. En tout cas tu en as hérité. Je ne le reprendrai pas.

– Et qui protégera l’accès à l’Hybris désormais ?

Anghor se retourna et amorça quelques pas vers son bureau. Il s’arrêta juste à coté et posa sa main sur la large table encombrée de papiers, l’air pensif.

– Je pense que nous n’en aurons plus besoin à partir de maintenant. Nous t’attendions. Maintenant que tu es là, certaines choses vont changer au sein de cette école.

Ash ne sut quoi répondre, elle hésita un moment, mais Anghor finit par la congédier en lui adressant un sourire avant de se remettre derrière son bureau. Elle se résigna donc à partir, même si un millier de questions lui brûlait les lèvres. Elle aurait tout le temps de les poser à présent. Au moins savait-elle déjà le plus important.

Ash Zanakioriah n’était plus la Princesse des Hommes de Gaëa, mais la descendante du premier magicien de la Terre.

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Un commentaire pour Chapitre 23 :

  1. yumikuroshiro dit :

    Alors là, je reste sans voix.
    On commence le chapitre par un grand monologue et aussi étonnant que cela puisse paraitre, il est loin d’être indigeste ! Une succession de révélations, la découverte du  »vrai » Anghor, l’origine de ce qui fait la magie de ce monde… Tout ce qui fait de ce chapitre un des meilleurs chapitre que j’ai lu.
    J’ai été complètement transportée malgré le brouhaha m’entourant.
    Il est tout simplement génial, super, vraiment magnifique !

    Vivement la suite !!!

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